11/01/2014

Le symbole de la lumière dans l’Évangile de Jean



Article en vietnamien:

Email: josleminhthong@gmail.com
Le 11 Janvier 2014.

Contenu

I. Introduction
II. Passages liés au thème de la “lumière”
     1) L’auteur écrit dans le Prologue
     2) Le discours de Jésus
     3) Jésus parle de Jean le Baptiste aux Juifs
     4) Jésus parle à ses adversaires  
     5) Jésus parle de l’aveugle-né aux disciples
     6) L’échange entre Jésus et ses disciples
     7) Jésus parle à la foule à la fin de sa mission
     8) Jésus conclut sa mission publique
III. L’identification à la lumière 
     1) L’auteur identifie le Logos à la lumière (1,4.5.9)
          a) La vie est la lumière (1,4)
          b) Le Logos est la lumière (1,9)
     2) Jésus s’identifie à la lumière (8,12; 9,5; 12,46)
     3) Jean le Baptiste et la lumière (1,7.8; 5,35)
          a) Jean n’est pas la lumière (1,8)
          b) Jean est la lumière (5,35)
IV. La mission de la lumière
     1) La lumière vient éclairer le monde
     2) Invitation à “venir à” et à “croire en” la lumière
V. Le refus de venir à la lumière
VI. Le triomphe de la lumière sur les ténèbres
VII. Conclusion



I. Introduction

Dans le Dictionnaire du Nouveau Petit Robert, la lumière est définie par ces deux sens principaux: (1) Agent physique capable d’impressionner l’œil, de rendre les choses visibles (sens propre). (2) Ce qui éclaire, illumine l’esprit  (sens figuré). Appuyé sur ces sens communs, comment l’auteur construit-il le thème de la lumière dans son Évangile? À qui et à quoi la lumière renvoie-t-elle? Dans l’Évangile de Jean, il pourrait y avoir des sens particuliers sur le thème “lumière” que l’on ne trouve pas dans les dictionnaires ni dans les autres textes.

Nous partons donc à la recherche de tous les sens possibles du thème lumière dans l’Évangile de Jean en vue de montrer l’originalité des sens dans un texte. Puisqu’un mot prend son sens dans son contexte, ainsi les sens d’un mot sont infinis. Dans cet article nous allons présenter les passages liés au thème de la “lumière” dans l’Évangile de Jean. Ensuite nous traiterons quatre sujets: (1) L’identification à la lumière. (2) La mission de la lumière. (3) Le refus de venir à la lumière. (4) Le triomphe de la lumière sur les ténèbres.

II. Passages liés au thème de la “lumière”

Dans l’Évangile de Jean, il y a 23 fois le terme “phôs” (lumière), 2 fois le verbe “phainô” (luire, briller) en 1,5; 5,35, et 1 fois le verbe “phôtizô” (éclairer, illuminer) en 1,9. (Voir l’article: “Lumière (phôs), luire (phainô), éclairer (phôtizô) dans l’Évangile de Jean”). Ces terminologies ne figurent que dans les douze premiers chapitres de l’Évangile, notamment les huit passages suivants:  

1) 1,1-11:     Le Logos est la lumière véritable
2) 3,18-21:   Aimer les ténèbres et haïr la lumière
3) 5,33-35:   Jean le Baptiste est la lumière d’une lampe
4) 8,12:        Jésus est la lumière de la vie
5) 9,1-5:       Jésus est la lumière du monde
6) 11,6-10:   La lumière de ce monde
7) 12,35-36: Croire en la lumière
8) 12,44-46: Jésus est la lumière venue dans le monde
Voici les textes dans La Bible de Jérusalem:

     1) L’auteur écrit dans le Prologue

1,1-11: 1 Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. 2 Il était au commencement avec Dieu. 3  Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. 4 Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, 5  et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie. 6 Il y eut un homme envoyé de Dieu. Son nom était Jean. 7 Il vint pour témoigner, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. 8 Celui-là n’était pas la lumière, mais il avait à rendre témoignage à la lumière. 9 Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme; il venait dans le monde. 10 Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. 11 Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli.

     2) Le discours de Jésus

3,18-21: 18 Qui croit en lui n’est pas jugé; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. 19 Et tel est le jugement: la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises. 20 Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables, 21 mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu.”

     3) Jésus parle de Jean le Baptiste aux Juifs

5,33-35: 33 Vous avez envoyé trouver Jean et il a rendu témoignage à la vérité. 34 Non que je relève du témoignage d’un homme; si j’en parle, c’est pour votre salut. 35 Celui-là était la lampe qui brûle et qui luit, et vous avez voulu vous réjouir une heure à sa lumière.

     4) Jésus parle à ses adversaires  

8,12: De nouveau Jésus leur adressa la parole et dit: “Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie.”

     5) Jésus parle de l’aveugle-né aux disciples

9,1-5: 1 En passant, il [Jésus] vit un homme aveugle de naissance. 2 Ses disciples lui demandèrent: “Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle? “3 Jésus répondit: “Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu. 4 Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé; la nuit vient, où nul ne peut travailler. 5 Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.”

     6) L’échange entre Jésus et ses disciples

11,6-10: 6 Quand il apprit que celui-ci [Lazare] était malade, il [Jésus] demeura deux jours encore dans le lieu où il se trouvait; 7 alors seulement, il dit aux disciples: “Allons de nouveau en Judée.” 8 Ses disciples lui dirent: “Rabbi, tout récemment les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas!” 9 Jésus répondit: “N’y a-t-il pas douze heures de jour? Si quelqu’un marche le jour, il ne bute pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde; 10 mais s’il marche la nuit, il bute, parce que la lumière n’est pas en lui.”

     7) Jésus parle à la foule à la fin de sa mission

12,35-36: 35 Jésus leur dit: “Pour peu de temps encore la lumière est parmi vous. Marchez tant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous saisissent: celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. 36 Tant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin de devenir des fils de lumière.” Ainsi parla Jésus, et s’en allant il se déroba à leur vue.

     8) Jésus conclut sa mission publique

12,44-46: 44 Jésus a dit, il l’a clamé: “Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en celui qui m’a envoyé, 45 et qui me voit voit celui qui m’a envoyé. 46 Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres.” 

III. L’identification à la lumière  

L’Évangile de Jean identifie ces trois personnages à la lumière: Le Logos, Jésus et Jean le Baptiste. Selon le Prologue (1,1-18), Jésus qui est le Logos s’est fait chair (1,14), et trois fois Jésus s’identifie lui-même à la lumière (8,12; 9,5; 12,46).

     1) L’auteur identifie le Logos à la lumière (1,4.5.9)

Dans le prologue de l’Évangile de Jean (1,1-18), l’auteur identifie le Logos à la lumière, en deux temps.

          a) La vie est la lumière (1,4)

Dans le premier temps, c’est la vie qui est identifiée à la lumière: “La vie était la lumière des hommes” (1,4b). Cependant, en 1,4a, l’auteur écrit: “Ce qui fut en lui [Logos] était la vie”. La vie est la manifestation du Logos, donc de manière implicite le Logos est identifié à la lumière. L’identification explicite se trouve en 1,9. En 1,4b, l’expression “la vie est la lumière des hommes” (1,4b) renvoie à l’expression “la lumière de la vie” en 8,12e.

          b) Le Logos est la lumière (1,9)

Dans le deuxième temps, le Logos est identifié explicitement à la lumière en 1,9: “Le Verbe [Logos] était la lumière véritable, qui éclaire tout homme; il venait dans le monde.” La traduction de BJ figure “Le Verbe (Logos)” au début de 1,9. Cependant, dans le texte grec, c’est le verbe “eimi (être)” qui est conjugué à la troisième personne (ên). Le sujet de ce verbe désigne le “Logos” en 1,1. Le terme “le Logos (le Verbe)” n’existe pas dans le texte grec en 1,9. Toutefois, les versets insérés concernant Jean le Baptiste (1,6-8) obligent à préciser le sujet du verbe eimi (être) au début du verset 1,9: Le Logos (le Verbe).  

Le Logos en tant que lumière est qualifié ainsi dans le Prologue: “la lumière des hommes” (1,4b), “la lumière véritable” (1,9a), la lumière “vient dans le monde” (1,9c), “éclaire tout homme” (1,9b) et “luit dans les ténèbres” (1,5a).

     2) Jésus s’identifie à la lumière (8,12; 9,5; 12,46)

Trois fois Jésus déclare qu’il est la lumière (8,12; 9,5; 12,46) en utilisant l’expression johannique: “Je suis... (egô eimi). Voir l’analyse plus détaillée à propos de “Jésus est la lumière” dans l’article: Lumière et ténèbres dans l’Évangile de Jean.”

En 8,12, dans un contexte de débat avec ses adversaires, Jésus affirme: “Je suis la lumière du monde” (8,12a). Cette identification est suivie par une invitation à l’auditeur de le suivre pour “avoir la lumière de la vie” (8,12c).

En 9,5, la déclaration de Jésus se fait devant les disciples, il leur dit: “Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde” (9,5). Cette parole définit la mission de Jésus dans le monde comme une journée de travail parce qu’il a dit en 9,4: “Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé; la nuit vient, où nul ne peut travailler.” Le jour symbolise le temps de la mission publique de Jésus et la nuit symbolise sa mort.

À la fin du ch. 12, dans l’une des dernières paroles de Jésus pour clôturer sa mission publique, il réaffirme qu’il est la lumière pour inviter à croire en lui. Jésus déclare: “Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres” (12,46).  

     3) Jean le Baptiste et la lumière (1,7.8; 5,35)

Il y a deux affirmations à propos de Jean le Baptiste et de la lumière, lesquelles sont apparemment contradictoires. En 1,7.8, l’auteur dit que Jean n’est pas la lumière. Tandis qu’en 5,35, Jésus dit que Jean est la lumière. Nous regarderons de près ces versets pour comprendre leur sens. Voir “Jean le Baptiste est la lumière qui luit (5,35)” dans l’article: “En Jn 1,21 Jean le Baptiste n’est pas Élie, pourtant en Mt 17,13 il est Élie, contradiction ou complémentarité?

          a) Jean n’est pas la lumière (1,8)

Dans l’Évangile de Jean, Jean le Baptiste apparaît pour la première fois dans le Prologue (1,1-18). Deux passages à propos de Jean (1,6-8; 1,15), insérés dans le Prologue, montrent l’importance de ce personnage dans son rôle de témoin. Pourtant, l’auteur affirme clairement que Jean n’est pas la lumière (1,8a) et il insiste deux fois sur la mission de Jean: “Rendre témoignage à la lumière” (1,7.8b). Dans le contexte de 1,1-9, cette précision est nécessaire parce que la lumière est identifiée au Logos–Jésus. 

          b) Jean est la lumière (5,35)

Dans un autre contexte, Jean le Baptiste est identifié à la lumière (5,35). Quand les Juifs cherchent à faire mourir Jésus (5,18), il leur tient un discours sur les œuvres du Fils (5,19-29), puis il parle des témoignages en sa faveur (5,30-47). Dans ce passage, Jésus mentionne le témoignage de Jean le Baptiste en 5,33-35. En 5,35a, Jésus dit que Jean le Baptiste “était la lampe qui brûle et qui luit.” Le verbe “luire” (phainô) est apparu deux fois dans l’Évangile de Jean (1,5a; 5,35a). La première fois, ce verbe décrit le Logos qui est la lumière qui “luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie” (1,5). La deuxième fois, il désigne Jean le Baptiste qui “était la lampe qui brûle et qui luit” (5,35a).

En 5,35b, Jésus parle aux Juifs de Jean: “Vous avez voulu vous réjouir une heure à sa lumière” (5,35b). La courte mission de Jean est symbolisée par “une heure à sa lumière” qui veut dire un bref moment. Selon des données Synoptiques, Hérode avait fait arrêter Jean (Mt 14,3) et il a décidé de le décapiter dans sa prison (Mt 14,10). En Jn 5,35b, le verbe “se réjouir” (agalliaô) exprime le respect et la contribution significative de Jean au peuple d’Israël. Jésus honore Jean en l’associant au symbole de la lumière (5,35). Jean est “la lumière” d’une lampe qui brille en rendant témoignage à “la lumière véritable” qui est Jésus.

IV. La mission de la lumière

     1) La lumière vient éclairer le monde

Il existe plusieurs expressions pour exprimer le rapport entre la lumière et le monde. La lumière vient dans le monde (1,9c; 3,19; 12,46a) pour éclairer tout homme (1,9b). La lumière est désignée comme “la lumière des hommes” (1,4b), “la lumière du monde” (9,5b). Ainsi, le Logos–Jésus qui est la lumière a une mission précise dans le monde. Elle éclaire tout homme à travers la présence de Jésus et son enseignement.

     2) Invitation à “venir à” et à “croire en” la lumière

Jésus qui est la lumière exerce sa mission dans le monde à travers ses paroles et ses actes. Il invite l’auditeur et le lecteur à “faire la vérité” et à “venir à la lumière” (3,21a), à le “suivre” (8,12c) pour “ne pas marcher dans les ténèbres” (8,12d) et “avoir la lumière de la vie” (8,12e). Jésus propose à la foule de marcher dans la lumière quand la lumière est encore parmi elle (12,35b); de croire en la lumière quand elle a la lumière pour devenir des fils de lumière (12,36a). Ainsi, quiconque croit en Jésus ne demeure pas dans les ténèbres (12,46b). En 11,9-10, Jésus parle de celui qui “voit la lumière de ce monde” ne bute pas, mais celui que “la lumière n’est pas en lui”, il bute. Cela veut dire que celui qui “voit Jésus” et que “Jésus est en lui”, marche sûrement dans la lumière de la vie.

En résumé, en employant plusieurs verbes liés à la lumière et les ténèbres, Jésus-lumière invite les auditeurs et les lecteurs à...

- VENIR         à la lumière (3,21b)
- SUIVRE       Jésus, la lumière (8,12c)
- AVOIR          la lumière de la vie (8,12e)
- VOIR            la lumière de ce monde (11,9e)
- ÊTRE           dans la lumière (11,10c)
- MARCHER  dans la lumière (12,35b)
- CROIRE       en la lumière (12,36b.46b)
- DEVENIR     des fils de lumière (12,36c)
- NE PAS MARCHER     dans les ténèbres (8,12c)
- NE PAS DEMEURER   dans les ténèbres (12,46d).

V. Le refus de venir à la lumière

Selon l’Évangile de Jean, celui qui refuse les propositions ci-dessus de Jésus a fait son propre choix de “marcher dans les ténèbres” (8,12c), et de “demeurer dans les ténèbres” (12,46d). Le refus de la lumière est signalé dès le Prologue (1,1-18). Le Logos–lumière est dans le monde mais le monde ne l’a pas reconnu (1,10).Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli” (1,11).

Le refus explicite de la lumière se manifeste clairement chez les adversaires de Jésus tout au long de sa vie publique. En 3,18, Jésus parle d’un auto jugement qui s’applique à celui qui ne croit pas en la lumière. Jésus déclare: “Qui croit en lui [Fils unique de Dieu] n’est pas jugé; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu” (3,18). Jésus dévoile ainsi la raison du refus de la lumière: “Et tel est le jugement: la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises” (3,19).

Dans l’Évangile de Jean, l’expression “les œuvres mauvaises” a un sens théologique. Elles désignent l’acte de chercher à faire périr Jésus (5,18; 8,37.40). Cette volonté d’homicide est un refus de la lumière par excellence. Il s’agit d’“aimer les ténèbres” (3,19) et de “haïr la lumière” (3,20). Jésus dit en 3,20: “Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables.

La déclaration de Jésus à propos du refus de croire en lui (3,18-19) se réalise dans la haine du monde en 15,18–16,4a. En effet, le monde aime ce qui lui appartient (15,19) et hait le Père, Jésus (15,23.24) et ses disciples (15,18.19). Jésus dit à ses disciples en 15,18: “Si le monde vous hait, sachez que moi, il m’a pris en haine avant vous.” En, 7,1-7, les Juifs haïssent Jésus et cherchent à le tuer. Quant aux grands prêtres et aux Pharisiens, ils cherchent à arrêter Jésus (7,45-46). Donc, les adversaires de Jésus et des disciples dans l’Évangile de Jean sont les Juifs, les Pharisiens, les grands prêtres et le monde hostile. Ce sont des gens qui refusent de venir et de croire en la lumière. Ils cherchent à éteindre la lumière.

VI. Le triomphe de la lumière sur les ténèbres

En cherchant à faire périr Jésus, ses adversaires aiment les ténèbres et appartiennent aux ténèbres. La confrontation entre la lumière et les ténèbres dans le contexte du procès johannique est un thème important dans l’Évangile de Jean. Le triomphe de la lumière sur les ténèbres est signalé dans le Prologue de l’Évangile: “La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie” (1,5). Cependant, ce triomphe est présenté de manière paradoxale. En effet, dans l’Évangile de Jean, la lumière–Jésus va s’éteindre. Jésus dit à la foule à la fin de sa mission publique en 12,35-36: “35 Pour peu de temps encore la lumière est parmi vous. Marchez tant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous saisissent: celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. 36 Tant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin de devenir des fils de lumière.” Donc, à la fin du ch.12, la lumière est dans le monde pour un peu de temps encore. Les adversaires de Jésus vont réussir à tuer Jésus. Il va mourir sur la croix. Donc dans quel sens faut-il comprendre le triomphe de la lumière sur les ténèbres?

Au cours de la mission de Jésus, plusieurs fois ses adversaires veulent capturer Jésus–lumière mais ils n’y arrivent pas. Le narrateur écrit: “Ils cherchaient alors à le saisir, mais personne ne porta la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue” (7,30). À la fin de sa mission, Jésus dit aux Pharisiens en 10,17-18: “17 C’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. 18 Personne ne me l’enlève; mais je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et j’ai pouvoir de la reprendre; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père.” Donc Jésus donne sa vie par son amour pour son Père et pour ses disciples (cf. 13,1; 14,31). Personne ne peut prendre sa vie.

Ce pouvoir de Jésus se manifeste au moment où il est arrêté par la cohorte et des gardes dans le jardin, de l’autre côté du torrent du Cédron (18,1-3). Le narrateur raconte en 18,4-6: “4 Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui advenir, sortit et leur dit: ‘Qui cherchez-vous?’ 5 Ils lui répondirent: ‘Jésus le Nazôréen.’ Il leur dit: ‘C’est moi.’ Or Judas, qui le livrait, se tenait là, lui aussi, avec eux. 6 Quand Jésus leur eut dit: ‘C’est moi’, ils reculèrent et tombèrent à terre.” Avec  ces quelques mots de Jésus, ses adversaires reculent et tombent par terre. Ils ne peuvent donc pas mettre leurs mains sur lui. Si la cohorte, le tribun et les gardes des Juifs arrivent à saisir Jésus et à le lier (8,12), c’est parce que Jésus se livre lui-même à eux. Manifestement, le pouvoir de la lumière est plus fort que celui des ténèbres.

Dans cette perspective, la mort de Jésus constitue un jugement à l’encontre du Prince de ce monde. Jésus annonce aux disciples en 16,8-11: “8 Et lui [le Paraclet], une fois venu, Il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement: 9 de péché, parce qu’ils ne croient pas en moi; 10 de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus; 11 de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé.” Selon l’Évangile de Jean, la Passion de Jésus est comprise comme le retour au Père de Jésus (16,10b) et dans cet événement, le Prince de ce monde est jugé définitivement (16,11b). En même temps, Jésus a vaincu le monde comme il encourage ses disciples en 16,33: “Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage! J’ai vaincu le monde.”

En résumé, selon la théologie johannique, la lumière triomphe des ténèbres de manière paradoxale. La lumière a vaincu les ténèbres par sa propre extinction. Sur le plan terrestre et historique, la lumière s’éteint dans la mort de Jésus. Cependant, sur le plan de la révélation et de la théologie, la mort de Jésus–lumière est une exaltation et une glorification. À travers sa mort, Jésus vient au Père, il est glorifié dans la gloire du Père. La lumière a vaincu les ténèbres pour toujours.

VII. Conclusion

Les études ci-dessus montrent l’originalité de l’Évangile de Jean dans sa construction d’un sujet. Nous avons présenté les multiples usages du thème de la lumière dans un texte précis: l’Évangile de Jean. Plusieurs personnages sont identifiés à la lumière: Le Logos, Jésus, Jean le Baptiste. Grâce à cette identification, Jésus et la lumière sont interchangeables. La mission de Jésus est celle de la lumière. Elle vient éclairer et illuminer l’humanité. Cette mission aboutit à une invitation vitale: Croire en Jésus et en son enseignement pour avoir la vie éternelle dès maintenant dans ce monde. Cette invitation est exprimée par plusieurs verbes: “Voir”, “venir à”, “suivre”, “avoir” la lumière; “être dans”, “marcher dans” la lumière; “croire en” la lumière et “devenir” des fils de lumière. L’invitation à la lumière a pour but de faire sortir des ténèbres, c’est-à-dire “ne pas marcher” et “ne pas demeurer” dans les ténèbres.

Jésus invite l’auditeur à venir à la lumière, il ne l’impose pas. Donc il y a ceux qui croient en Jésus et ceux qui le refusent. Dans le contexte d’un procès entre “lumière” et “ténèbres”, le refus catégorique figure dans l’option “aimer les ténèbres” et “haïr la lumière” (3,19-20). En cherchant à faire périr Jésus, ses adversaires appartiennent aux ténèbres et au diable (8,44). Ils ont réussi à éliminer la lumière, Jésus est mort sur la croix. Cependant, Jésus révèle au lecteur la vérité profonde: de manière paradoxale, la lumière a vaincu les ténèbres pour toujours. La lumière est exaltée et glorifiée dans le fait qu’elle s’éteint sur la croix. C’est aussi le moment où le Prince de ce monde est condamné une fois pour toutes (16,11).

Les multiples sens et la construction du thème lumière montrent son originalité et sa particularité qu’on ne trouve que dans l’Évangile de Jean. Chaque Évangile utilise des mots et construit des thèmes de manière différente, donc les sens des mots sont différents dans des textes différents. Ainsi, le fait de consulter les sens d’un terme dans un dictionnaire est insuffisant pour saisir son sens à l’intérieur d’un texte. Il vaut mieux le regarder dans le texte lui-même et savoir comment le texte construit le sens d’un mot ou d’une expression. Les sens et les usages du thème lumière ci-dessus n’existent pas dans les dictionnaires à usage courant. Donc il est nécessaire de lire l’Évangile pour comprendre les sens des mots de l’Évangile. Comme nous l’avons montré, la lumière selon l’Évangile de Jean est une contribution originale et précieuse à la vie du lecteur et à la théologie du Nouveau Testament./.


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